Environnement
: mobilisation dans plusieurs pays africains contre le projet de gazoduc de
Total en Afrique de l'Est
La
mobilisation fait partie d'un mouvement international pour faire pression sur le
pétrolier français qui tient son assemblée générale le 28 mai
prochain.
Falila
Gbadamassi
Publié
le 27/05/2021 13:41
Une vue générale de la réception de Total E&P Uganda
à Kampala, en Ouganda, le 22 janvier 2020. Les projets de la multinationale
française dans ce pays et en Afrique de l'Est où elle prévoit de construire
le plus long oléoduc du continent sont décriés par plusieurs ONG qui dénoncent
des conséquences sociales et environnementales. (YASUYOSHI CHIBA /
AFP)
Devant les
stations ou sous la bannière du groupe pétrolier français Total, plusieurs
dizaines de personnes se sont photographiées avec des messages pour protester
contre le projet de gazoduc de la multinationale en Afrique de l'Est (East
African Crude Oil Pipeline, EACOP) lors de la la journée mondiale de
l'Afrique célébrée le 25 mai. A l'appel de la section Afrique du mouvement
associatif international 350, qui milite pour la fin des combustibles
fossiles et qui est membre de l'alliance internationale d'ONG Stop EACOP mobilisée
contre le projet de Total, de nombreux activistes se sont déployés au Bénin, au
Togo, au Ghana ou encore en République démocratique du Congo (RDC) pour
soutenir les militants ougandais qui s'opposent au groupe français depuis plusieurs
années.
"La région du
lac Albert en Ouganda recèle d’importantes ressources
pétrolières (découvertes en 2006,
NDLR), estimées à plus d’un milliard de barils", explique-t-on sur le site de Total. La multinationale
française y a lancé le projet baptisé Tilenga. "Opéré par Total (56,6%)
en partenariat avec CNOOC (China National Offshore Oil Corporation) et
UNOC (Uganda National Oil Company)", sa production "sera
acheminée jusqu’au port de Tanga en Tanzanie par un oléoduc transfrontalier,
construit et opéré par la société EACOP". Le chinois CNOOC est
l'autre principal actionnaire de cet oléoduc.
Today is your last chance to add a
pic to the #StopEACOP SelfieWall before @Total & @StandardBankZA's annual shareholder meetings on
Thurs/Friday https://t.co/criPVzpS19 STOP the East African Crude Oil
Pipeline & back clean energy projects that actually benefit local
communities pic.twitter.com/P78iVFW58A
—
StopEACOP (@stopEACOP) May 26, 2021
(Aujourd'hui, c'est votre dernière chance
d'ajouter une photo au mur de selfies #StopEACOP avant les assemblées générales
annuelles de
@Total &
@StandardBankZA https://stopeacop.net/selfie-wall ARRETEZ l'oléoduc de l'Afrique
de l'Est et soutenez les projets d'énergie propre qui bénéficient réellement aux
communautés locales)
Solidarité
continentale, mobilisation internationale
Le mouvement de
protestation sur le continent africain dénote de "la solidarité autour de ce
qui se passe en Ouganda parce que si nous le tolérons dans ce
pays, cela va déboucher sur la RDC, sur les pays limitrophes de
l'Ouganda et d'autres Etats. Nous sommes connectés", confie à
franceinfo Afrique Christian Hounkannou, organisateur francophone de 350 Africa.
Le militant rappelle que son ONG s'emploie à renforcer les capacités des
communautés de base "parce qu'elles peuvent ainsi défendre leurs droits".
"Ce sont elles qui subissent l'impact du réchauffement climatique",
poursuit
l'activiste.
Le projet de Total
en Ouganda et en Tanzanie "provoquerait l’expropriation de 12 000
familles et menacerait des écosystèmes aussi fragiles qu’essentiels", selon
deux études publiées en septembre 2020 par
Oxfam, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et leurs
partenaires.
"Total organise
son assemblée générale le 28 mai 2021. Nous demandons à ses actionnaires, à ses
dirigeants actuels de retirer leur financement des énergies fossiles. Nous
attirons l'attention sur les violations des droits de l'Homme en Afrique",
insiste Christian Hounkannou.
Nous n'avons pas besoin de l'emploi qui détruit notre environnement. C'est pour
cela que nous demandons à Total d'investir beaucoup plus dans la promotion des
énergies renouvelables, d'accompagner les Etats à accroître leurs ambitions dans
la promotion de ces énergies dans le cadre de l'Accord de Paris. (...) Nous
ne mettons pas seulement la pression sur Total, poursuit l'activiste.
Nous le faisons également pour Standard Bank (la banque sud-africaine est
l'un des conseillers financiers du projet, NDLR) et sur tous les autres
partenaires qui sont impliqués. Mais nous savons que Total a un grand
poids."
Maintenir la
pression sur Total
D'autant que
l'assemblée générale de la multinationale française sera l'occasion
pour elle de présenter à son actionnariat son plan "climat" que
certains d'entre eux ont déjà rejeté. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 25 mai, Lucie Pinson, la fondatrice de l'ONG
Reclaim Finance, appelle d'autres actionnaires à faire de
même.
Cette mobilisation
en Afrique et en France, entre autres, intervient alors que l'ONG Les Amis de la
Terre, qui a lancé avec Survie et quatre associations ougandaises une
action en justice dans l'Hexagone contre Total au nom du
"respect de la loi sur le devoir de vigilance par l’entreprise" dans le
cadre de ses activités en Ouganda, signale l'arrestation de l'activiste
ougandais Maxwell Atuhura. "Membre de l'Afiego, organisation partenaire
des Amis de la Terre France et Survie et membre de l'alliance internationale
Stop EACOP et une journaliste italienne, Federica Marsi, ont été arrêtés le
mardi 25 mai 2021 à Buliisa, dans la région pétrolière de l'Ouganda",
indique un communiqué de l'ONG. La journaliste aurait été
relâchée, mais pas Maxwell Atuhura.
This morning we are worried
because our Ugandan partner, Maxwell Atuhura, has still not been released by @PoliceUg and is being transferred to an unknown
destination.
More details in our press release https://t.co/LzIusteET9
—
Les Amis de la Terre FR (@amisdelaterre) May 26, 2021
(Ce matin, nous sommes inquiets car notre
partenaire ougandais, Maxwell Atuhura, n'a toujours pas été libéré par la
@PoliceUg et est transféré vers une destination inconnue.)
La mobilisation de
l'alliance Stop EACOP gagne en intensité à l'approche du 28 mai où 350
Africa prévoit d'organiser "une tempête" sur le réseau social Twitter.
"Nous allons cibler les comptes des dirigeants de Total et nous allons leur
envoyer nos messages", annonce Christian Hounkannou, organisateur
francophone de 350 Africa. Vendredi, il y aura une tempête de tweets
dans toute l'Afrique" sous le mot-dièse #StopEACOP. L'alliance
internationale d'ONG du même nom plaide, entre autres, pour que les banques
se retirent du financement de l'oléoduc. Un objectif atteint encore récemment :
le journal Les Echos rapportait en avril dernier que trois banques françaises, à savoir BNP,
Crédit Agricole et Société Générale, ne soutiendraient pas le
projet.